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NATHALIE DUVAL REÇOIT L'AERN

21 février 2023 Ancienne / Ancien
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Professeure agrégée à la Sorbonne, spécialiste en histoire de l’enseignement et de l’éducation, Nathalie Duval a fait sa thèse de doctorat sur l’École des Roches. Elle nous raconte son travail, unique à ce jour, sur l’extraordinaire histoire de cette école hors du commun.

OM :  Quand avez-vous découvert l’existence de l’École des Roches ?

ND : Sur le tard. Je suis originaire de Rouen, et j’y ai suivi toutes mes études dans le public. Si j’avais été dans le privé, j’en aurais peut-être entendu parler, car Verneuil-sur-Avre n’est pas loin de Rouen.

OM : A quel moment vous y êtes-vous intéressée ?

ND :  Après avoir fait Hypokhâgne et Khâgne au lycée Jeanne d’Arc, j’ai passé ma licence à l’université de Rouen en 1990 où j’ai rencontré Jean Pierre Chaline, mon futur directeur de thèse. Pour ma maîtrise, j’avais en tête de travailler sur « les industries dans le pays de Caux ». Je suis donc allée aux archives départementales de Rouen où j’ai eu la chance de converser avec un archiviste qui m’a dit tout de go : « Mademoiselle, votre sujet sur les industries du pays de Caux est moins intéressant qu’un autre sujet que je vais vous suggérer. En ce moment, je trie les archives du Collège de Normandie que le petit-fils d’un des fondateurs a déposé il y a 20 ans, et si vous vous y intéressez, vous serez la première à les consulter car elles seront ouvertes au public au mois de septembre prochain. Cela me semble aussi prometteur qu’inédit ». Je n’ai pas hésité longtemps, compte tenu du fait que Jean-Pierre Chaline, qui était l’un de mes professeurs en licence, avait fait sa thèse sur « Les Bourgeois de Rouen », et j’avais pu remarquer qu’il avait consacré un passage sur ce collège. Je lui ai alors demandé d’être mon directeur de maîtrise.

Nathalie Duval : « J’ai très vite été adoptée par les anciens élèves de l’École, car je leur ai redonné le goût de leur histoire ».

OM : Quel va être le lien avec l’École des Roches ?

ND : J’y arrive. Je suis donc tous les jours aux archives et découvre, dans les bilans comptables du Collège de Normandie, des bilans comptables de l’École des Roches. Et c’est ce qui va m’amener à m’y intéresser. 

OM : Le Collège de Normandie est plus ancien que l’École des Roches ?

ND : Non, au contraire. Le Collège est fondé en 1902 près de Rouen, à Clères, à l’entrée du petit village cauchois de Mont-Cauvaire, et fermera ses portes en 1972, alors que l’École est fondée dans le département de l’Eure, en 1899, et elle est toujours en activité : lors de sa création, elle s’est inscrite dans le mouvement multinational des écoles nouvelles apparu en Europe au tournant des XIXème et XXème siècles.

OM : L'École des Roches n'est-elle pas la version française des Public Schools britanniques ?

ND : On ne peut pas dire les choses comme ça. L'École des Roches s'est inspirée indirectement de ces écoles, connues pour leur pratique des sports et le self government, dans la mesure ou certains éducateurs anglais ont voulu les réformer en créant des « new schools » basées davantage sur une ambiance familiale, la responsabilisation des élèves, et la confiance. L’École des Roches s’est construite sur ce nouveau modèle. Elle sera d’ailleurs la première « école nouvelle » en France, sur les douze dont elle inspirera la création entre 1899 et 1914.

OM : Et votre premier contact avec l'École des Roches ?

ND : Il commence à Mont-Cauvaire où je vais enquêter auprès de témoins qui me disent que des élèves de l'École des Roches y sont venus après la Seconde Guerre mondiale et que « l'École des Roches de Clères » a existé jusqu’en 1972. Je découvre par la même occasion l’AERN,  l’association des Anciens de l'École des Roches et du Collège de Normandie, alors située au 88 rue de Miromesnil à Paris. J’y suis reçue par Robert Glaenzer, le président, qui me dit au bout d’une heure de conversation : « Votre recherche est intéressante et vous m’inspirez confiance. Qui plus est, force est de constater que nous avons besoin de connaître notre propre histoire. Je vais vous montrer nos archives ». Je n’en crois pas mes yeux : dans un sous-sol, bien rangés, je me retrouve face à des dizaines de cartons sans aucune indication. La mémoire de l'École des Roches ! Pour moi, c’était la caverne d’Ali Baba. En remontant, Robert Glaenzer me dit de revenir une fois ma maîtrise achevée.

OM : En 1991, vous soutenez votre maîtrise à Rouen.

ND : Exactement et je suis très fière de remettre un exemplaire de ma maîtrise à Robert Glaenzer. Je commence ainsi l’inventaire des archives rue de Miromesnil, après m’être installée à Paris pour préparer et passer le Capes et l’agrégation. En 1994, je réussis le Capes, et commence un DEA à la Sorbonne. Une année très importante car j’entre en contact direct avec le comité des anciens.

OM : Qui rencontrez-vous ?

ND : Dans un premier temps, Desmond Whitechurch, Christian d’Andlau, et Jean Philippe Mouton de Villaret qui était en plus un ancien du Collège de Normandie. Ils me reçoivent, très paternels, très protecteurs, ravis que je m’intéresse à l’histoire de leur école.

OM : Et puis vous allez à l'École des Roches pour la première fois. 

ND : Non, j’y étais déjà allée avec mon mémoire de maîtrise sous le bras en 1992. J’y ai été reçue poliment, mais pas aussi chaleureusement que par les anciens. Ce n’est qu’un an plus tard que je rencontrerai le directeur Claude-Marc Kaminsky.

OM : Quand décidez-vous de faire votre thèse de doctorat sur l’Ecole ?

ND : Après mon DEA en 1994, j’ai fini l’inventaire des archives rue de Miromesnil. Parallèlement,  je constate que aucun chercheur en Sciences de l’éducation ni en Histoire de l’enseignement, n’a consacré d’étude approfondie sur l’École des Roches qui est pourtant une pension totalement atypique ! En 1995, je m’inscris en doctorat car j’obtiens une allocation de recherches, ce qui va me permettre d’enseigner à la Sorbonne (Paris IV) tout en préparant ma thèse. Les anciens m’encouragent à continuer mon travail. Non seulement je me sens définitivement adoptée, mais je suis imprégnée des souvenirs des anciens et de l’esprit rocheux dont ils me parlent sans arrêt, car ils y sont très attachés et craignent sa disparition. Il y a en plus, à ce moment-là, une défiance entre les anciens et la direction de l’Ecole. 

Cette photo a été prise le 28 novembre  2006 lors de sa soutenance de thèse, salle Louis Liard à la Sorbonne.

En 1999, l’année de la célébration du centenaire de l’Ecole, je deviendrai membre d’honneur de l’AERN sur la proposition de Yves Rioche au comité qui l’accepte.

 

OM : Que ressentez-vous ?

ND : J’ai alors l’impression d’être devenue la gardienne du temple.

OM : Quand Claude-Marc Kaminsky vous reçoit enfin, comment se passe votre rencontre ?

ND : Il me dit clairement : « l'École des Roches est mon école, j’en suis le propriétaire et je suis le fils spirituel d’Edmond Demolins, son fondateur, dont j’ai lu les livres, en particulier celui sur « A quoi tient la Supériorité des Anglo-Saxons ». Je respecte la tradition mais je suis un rénovateur ». Kaminsky fusionnait avec « son » école et il faut lui reconnaitre qu’il l’a redressée en parcourant le monde entier, pour en faire la publicité et y attirer de nouveaux élèves. Quant à moi, je devenais pour lui une sorte de médiatrice qui le présenterait comme un sauveur, en le faisant entrer dans l’histoire des grands directeurs, à la suite de Georges Bertier et de Louis Garrone.

Le livre sur le centenaire de l’Ecole des Roches auquel a participé activement Nathalie Duval en 1999

OM : En 1999, vous participez activement à la rédaction d’un livre sur le centenaire de l’Ecole.

ND : C’est Christian Calosci Président de l’AERN, qui me confie cette mission.

OM : En 2006, vous soutenez votre thèse de doctorat sur l’Ecole.

ND : Après onze années d’un immense travail de recherches sur l’École et son histoire. Dans le même temps, je passe l’agrégation, je participe à des colloques, j’écris des dizaines d’articles qui font découvrir l’École des Roches aux chercheurs en sciences de l’éducation et aux historiens de l’enseignement.

OM : Quel regard portez-vous sur l’École ?

ND : La première fois que j’y suis allée, j’ai été impressionnée par les bâtiments, mais déçue par le manque de tableaux, revues et portraits retraçant son histoire dans les maisons. Il n’y avait qu’un livre d’or et quelques coupes dans le bureau de la direction à la Colline ainsi que toute la collection de la revue La Science sociale qu’avait fondée et dirigée Edmond Demolins. Je pensais que cette institution devait absolument retrouver son histoire. Depuis, j’y suis allée tous les ans pour le 11 novembre, la fête de l’École et trois jours d’immersion. Pas simple ! Je me devais de conserver à chaque fois un regard d’historienne, sans me laisser manipuler par les uns et les autres. Durant toutes ces années je n’ai jamais eu aucun préjugé négatif. Pour moi le coût des études ne rentrait pas en compte. J’analysais les discours, la pérennité des valeurs enseignées aux garçons et aux filles et me demandais s’ils sortaient de l'École des Roches « Bien armés pour la vie » selon la devise de l’École que j’entendais souvent citée.

OM : Et…

ND : L’École des Roches demeure atypique dans le paysage scolaire français, même si ses fondamentaux se sont fragilisés. Il n’y a plus un seul de chef de maison mais plusieurs qui se succèdent, les élèves sortent beaucoup plus souvent, et le capitanat est moins puissant qu’autrefois. Mais tant qu’il existera, qu’il y aura un esprit maison fort, générant une saine émulation, l’École des Roches demeurera différente.

OM : De quoi êtes-vous la plus fière dans votre travail sur l’École ?

ND : J’ai été à l’origine de tout un mouvement pour que les anciens valorisent leur mémoire, et qu’ils déposent leurs archives aux Archives nationales tout en en restant propriétaires.

Nathalie Duval devant les innombrables livres et articles qu’elle a écrit sur l’histoire de l’enseignement en Normandie, sur les Écoles Nouvelles et sur l’École des Roches dont elle est la seule spécialiste reconnue.

OM : Mettriez-vous vos enfants à l'École des Roches ?

ND : Oui, parce que la vie en internat est bénéfique. Et je suis convaincue de l’existence d’un « esprit rocheux » : j’ai pu le vérifier ! Je peux d’ailleurs ajouter que, après m’être aussi longtemps consacrée à l’histoire de l’École des Roches, je suis tombée amoureuse de l’un de ses anciens élèves, durant l’année 2007 qui a suivi ma soutenance de thèse. L’heureux élu est Christophe Duval-Bertin, ancien des Pins (1977-1982). Nous nous sommes rencontrés lors d’un diner organisé par l’AERN et… nous allons bientôt nous marier !


Propos recueillis par Olivier Michel (Pins 71-74)

Dans son appartement parisien du Trocadéro, Nathalie pause avec son futur mari Christophe Duval-Bertin, ancien Rocheux (Pins 77-82) et rencontré lors d’un dîner organisé par l’AERN.

      Souvenir de la soirée de gala au cercle Interallié où Nathalie était une invitée très attendue.                                  

 Le livre sur le centenaire de l’École des Roches auquel a participé activement Nathalie Duval en 1999, est introuvable et recherché par tous les élèves de l'École.

À LIRE :

Les Archives nationales dépositaires des archives de l’AERN, clique ICI.




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