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Jeanne-Thé FLOC'H : la gardienne du temple s'en est allée
Le 19 septembre dernier, Jeanne-Thé Floch s’en est allée. La gardienne du Temple devrais-je dire s’en est allée, en douceur, entourée des siens, légère comme les généreux, résistante par le sourire aux derniers assauts de la camarde.
Elle aura eu à l’Ecole des Roches, des filles que la vie ne lui avait pas données. Des milliers, blondes, brunes, rousses, douces, déterminées, révoltées, incomprises, renfermées, expansives, heureuses ou tristes, qu’elle avait apprivoisées par une bienveillance dont la puissance reste aujourd’hui encore un mystère.
Mais plus que cela, Jeanne-Thé aura tissé des liens avec « ses » filles, que le temps n’a jamais distendus. Juan Les Pins était devenu le nombril d’un monde, temple de la mémoire des enfants du Moulin et de la Guichardière. On y venait comme en pèlerinage pour dire ce qu’on était devenu, pour dire merci, pour se requinquer après un accident de parcours professionnel ou amoureux.
Elle se souvenait des unes comme des autres, mais aussi des uns comme des autres. Elle avait avec Jean, son mari au caractère bien trempé de breton, canalisé à l’École des Roches, les débuts d’innombrables vies, au moment où elles sont potentiellement explosives. Il fallait, dans le fort de la Guichardière, maintenir à l’intérieur une discipline teintée de tendresse, d’heures d’écoute, et de fermeté intelligente, tout en protégeant ses « ouailles » du regard, des mots et des gestes de garçons agités par l’âge, jusqu’à en être trop empressés.
Je l’avais rencontrée dans son appartement de Juan, où elle m’avait résumé en deux phrases, son arrivée à la Guichardière. « Il fallait que ça marche. Jean et moi, nous nous sommes naturellement répartis les tâches à accomplir ».
Essayant de percer le secret de sa réussite, elle m’avait résumé les trois qualités principales d’un chef ou d’une cheffe de maison :
La première est d’écouter - Jean disait qu’il fallait avoir des oreilles de Bouddha ;
La deuxième est de savoir répondre aux attentes tout en expliquant lorsque nécessaire, pourquoi certaines choses ne sont pas possibles ;
La troisième est établir la confiance en pouvant échanger sur tous les thèmes, même les plus sensibles : la vie, la vie en communauté, sans oublier la vie sentimentale .
Parfois, et selon des règles bien établies, elle rassemblait filles et garçons à la cérémonie du café. Les happy few pressaient le pas sur la route de la Guiche pour s’asseoir au salon sous le regard de Madame Floc’h qui semblait s’amuser de la rencontre de toutes ces énergies. Combien d’incidents a-t-elle su éviter ? Elle n’en parlera jamais.
Elle recevait, me disait-elle, un courrier de ministre de Paris, de au-delà du périphérique, des Amériques, d’Asie et du Moyen orient. Elle y répondait et ses correspondantes conservaient ses lettres comme une trousse de premiers soins.
Enfin, et ça aura été important, elle était le temple de notre mémoire en retenant gravé dans son cœur que nous avions tous été enfants, puis adolescents. Elle nous en parlait, nous offrant sans contreparties, les pièces manquantes du puzzle de notre jeunesse.
Cela n’a pas de prix.
Aujourd’hui, la moindre des choses, c’est à nous de savoir restituer après son départ, ce qu’elle nous aura apporté :
Bienveillance, tolérance, écoute et optimisme.
Olivier MICHEL (Pins 1971 - 1974)
Secrétaire Général des Alumni de l’École des Roches
3 Commentaires
Pour les filles de la Guiche puis du Moulin, elle aura été une seconde maman. Elle a suivi leurs parcours, partagé leurs joies et leurs peines avec la tendresse d'une maman.
Sa bienveillance, générosité, sa tendresse resteront gravées à jamais dans nos coeurs. Elle aura enrichi la vie de celles et ceux qui l'ont connu.
Ses appels les jours d'anniversaire manqueront à toutes et à tous.
Vous étiez du même jour d'anniversaire que ma mère (11 septembre) et vous nous avez quittés au même âge que ma grand-mère (99 années).
Au revoir madame Floc'h. Au revoir Jeanne-Thé.
Nous vous aimons et nous vous aimerons éternellement.
Avec notre reconnaissance et amour eternels.
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