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BERNARD BOUSSION REÇOIT L’AERN

25 mai 2023 Les entretiens
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©AERN - Une publication Alumni École des Roches et de Normandie : www.aern.org - la Maison des Anciens.

L’homme est majeur à trois titres : sa taille et la puissance apaisée qu’il dégage. Cette barbe blanche fournie qui en fait un aventurier ou un sage. Et sa filiation qui le légitime à parler de l’École des Roches comme personne. Bernard Boussion, tour à tour professeur, chef de maison, et directeur des études, nous reçoit au Petit Clos, maison capitale de la saga Boussion.

Olivier Michel :  L’histoire de la famille Boussion ne commence quand même pas au Petit Clos ?

Bernard Boussion : Non bien sûr. Elle débute avec la naissance de Raphaël dans les Deux-Sèvres en 1911. De façon dramatique car mon père est orphelin de mère à 6 ans et de père à 12. 

OM : Pas facile en effet.

BB : Je vais faire simple. Il est accueilli par une tante qui l’héberge dans une ferme familiale. Etudes à Amiens de français et d’anglais qu’il paie en étant « pion ». Fait prisonnier pendant la guerre, jeté dans un stalag, s’évade, se retrouve en zone libre où il cherche un travail dans l’enseignement à Vichy. Rencontre Louis Garonne (ndlr: gendre de Georges Bertier directeur de l'École des Roches de 1903 à 1944) Louis Garonne devient chef de maison du Vallon de 1930 à 1944), puis directeur de l’École de 1944 à 1965) qui le propulse comme chef de maison aux Sablons, maison littéralement dévastée par la guerre. Mon père y arrive avec sa femme et quatre enfants. 

OM : La saga Boussion peut enfin débuter ?

BB : D’autant plus que l’école lui prête le Petit Clos par la suite. Le « paternel » est prof d’anglais, crée un club avec Desmond Whitechurch, tout en établissant des relations étroites avec des écoles anglaises. En 1948, on lui demande d’accueillir un élève qui s’adapte mal aux règles des autres maisons. C’est à ce moment-là qu’il devient chef de maison au Petit Clos avec d’autres élèves.

OM : Nous y sommes n’est-ce pas ?

BB : Absolument Olivier. Le Petit Clos reçoit 17 élèves, 23 élèves au total avec les enfants Boussion. Mes sœurs deviennent Rocheuses grâce au soutien de Philippe Blanc, de Bernard Héroguel et de Max Dervaux.

OM : Ton père adhère sans restriction au système rocheux ?

BB : Sans l’ombre d’une hésitation. Pour preuve, il y restera de 1945 à 1973. Il pensait que cette géniale création de Demolins permettait de bien armer les élèves pour la vie. Ce mélange éprouvé de « mens sana in corpore sano », avec une responsabilisation des élèves, ne pouvait mener qu’à la réussite.

OM : Tu as été élève à l’École. Cela ne posait pas de problème en tant que fils de chef de maison ?

BB : Pas le moins du monde et j’ai eu une scolarité facile, sans être considéré comme l’œil de Moscou…avec cette réserve que mon père était plus attentif à ses « pensionnaires » du Petit Clos qu’à sa propre famille. Je te rassure tout de suite nous n’avons pas été malheureux. Et puis, nous ne partions pas en vacances en famille, École des Roches oblige.

OM : Ton père était un personnage qui a marqué ses élèves que ce soit en français ou en anglais. L’ombre de cette très forte personnalité ne t’a marqué outre mesure ?

BB : Me sens-tu traumatisé ?

OM : Résumons-nous : Raphaël est un professeur hors norme à qui ses élèves voueront une reconnaissance éternelle, ta mère va organiser pendant des décennies la vie quotidienne de ses « enfants » qui en parleront avec des trémolos dans la voix des années plus tard.  Et toi comment as-tu imaginé ta vie après l’École des Roches ?

BB : J’ai eu beaucoup de chance. J’ai réussi mes études, et rencontré ma femme professeur d’italien à l’École. Nathalie, une Niçoise venue pour remplacer mademoiselle Torchet. Je me suis marié en 1984 et ma femme m’a donné cinq enfants dont une de mes filles épousera un Rocheux.

OM :   Raphaël décède en 1983…

BB : Sans rentrer dans le détail, je commence à imaginer ma vie hors des Roches. Ma femme et moi démissionnons. Notre but ? Créer une école dans l’esprit des Roches près de Limoges. Tout était fin prêt après des mois de négociations si ce n’est que la commission de sécurité nous dresse un barrage infranchissable. L’affaire capote. Je me retrouve au Petit Clos que je voulais vendre et qui n’a pas trouvé preneur. Ouf ! En 1974, soutenu par mon frère Jean Marie chef de maison du Coteau je reviens à l’École.

OM : Retour au bercail ?

BB : En quelque sorte. Je vais être chef de maison, directeur des études et propriétaire du Petit Clos, à travers les hauts et les bas que connaîtra notre École.

OM : Ton regard sur le système rocheux…

BB : Un système moderne avant l’heure et qui le demeure aujourd’hui. Mes prédécesseurs ont formé des élèves sur des bases qui étaient incroyablement intelligentes. Elles ne sont pas compliquées, mais encore faut-il les appliquer. Nos élèves ne sont, ni meilleurs, ni pires que les autres, mais nous leur apportons une attention, et leur transmettons une volonté de réussir sans heurt, sans contrainte. Nous les poussons là où ils sont excellents, les soutenons là où ils sont plus faibles. Où qu’ils soient, nous sommes là pour leur permettre d’affronter l’avenir. Sans compter les heures, dans l’esprit Demolins.

OM : Un souvenir marquant ?

BB :  Difficile de te répondre, j’en ai des dizaines. Mais j’ai une petite tendresse pour celui-ci. Entouré de quelques élèves je répare un moteur de voiture. Nous y passons une à deux semaines. A l’époque je suis chef de maison aussi ! Une nuit, un voisin m’appelle : il a vu passer la voiture que nous étions en train de réparer avec à son bord quelques énergumènes qui avaient participé à sa réparation. Je me mets à leur poursuite, les rattrape et les immobilise. Ils ont senti le vent du boulet et adopté un profil bas pour le restant de l’année crois-moi. 

OM : Confortablement assis dans ton salon du Petit Clos, que retiens-tu de toutes ces années ?

BB : Un ensemble incroyablement juste et cohérent. En tant qu’élève et fils de prof j’étais considéré comme un Rocheux, un vrai, sans discrimination aucune.  Enfant d’une famille élargie au Petit Clos, mes liens avec l’École se sont resserrés. Mon père et ma mère n’ont jamais eu de préférence. Ils ont tout donné à un système qui leur correspondait à merveille. Ce système a formé des milliers d’élèves installés aujourd’hui dans le monde entier, marqués à jamais par un bout de Normandie.

Propos recueillis par Olivier MICHEL (Pins 71-74)

VOIR AUSSI : Film de Bernard Boussion par Lionel Isy-Schwart




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1 Commentaire

Cyrille WOLTNER (Coteau 1989-1994)
Il y a 3 mois
Comme je le disais sur la vidéo, malgré le temps qui passe, les souvenirs restent intactes, l'époque avec Mr de Coligny au Pins et Mr Boussion en train de soulever une Citroën 2 cv à eux 2 (400 kg quand même). On était en 90.

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